Nucléaire : la colère qui monte

Journaliste à la revue Silence , un mensuel alternatif et écologiste basé à Lyon, Michel Bernard a écrit ce texte qui connait un succès foudroyant sur le web, bien au delà des cercles écologistes habituels.

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Michel Bernard – publié le 17/03/2011

Je suis en colère parce que l’accident de Tchernobyl n’a pas servi de leçon. Et que l’on continue à entendre et lire les mêmes mensonges sur le nucléaire dans les médias.

Je suis en colère quand j’entends à la radio, un haut responsable du nucléaire français nous dire qu’on ne peut remettre en cause le nucléaire : « personne n’a envie de revenir à la bougie » dit il.

Que je sache, dans les pays européens qui n’ont pas de centrales nucléaires (Autriche, Danemark, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Portugal.), y-en-t-il où l’on s’éclaire à la bougie ? Il n’y a que 441 réacteurs nucléaires dans le monde (dont 58 en France, 55 au Japon). dans seulement 31 pays, tous les autres pays s’en passent.

Je suis en colère quand en 1979, après l’accident nucléaire de Three-Mile Island, on nous a dit que c’était parce que les Américains étaient moins forts que nous ; quand en 1986, après l’accident de Tchernobyl, on nous a dit que les Russes étaient moins forts que nous. et que je lis aujourd’hui que les Japonais sont moins forts que nous. De qui se moque-t-on ?

Je suis en colère quand on me dit que l’on peut continuer à exploiter encore des vieux réacteurs comme Fessenheim en Alsace (qui a trente ans) parce que « plus il est vieux, mieux on connaît un réacteur ». Ce n’est pas parce que vous connaissez bien les défauts de votre vieille voiture qu’elle tombe moins souvent en panne et moins gravement. (Le réacteur Fukushima-Daiichi 1, qui vient d’exploser avait 40 ans et a été autorisé à continuer de fonctionner pour dix ans en février 2011 !).

Je suis en colère quand on nous dit que l’on ne peut se passer du nucléaire en France, parce que cette énergie fournit près de 80 % de notre électricité. C’est oublier que l’électricité n’est pas la principale source d’énergie (c’est le pétrole) et que le nucléaire ne représente que 17 % de notre énergie. Si l’on voulait s’arrêter, on pourrait s’appuyer sur une solidarité au niveau de l’Europe : là, le nucléaire ne représente que 35 % de l’électricité et seulement 9 % de l’énergie ! Il suffirait donc d’économiser 9 % pour s’en passer !

Je suis en colère parce qu’au nom de la défense de la croissance économique, les programmes énergétiques français ou européens, négligent toujours plus ou moins le potentiel des économies d’énergies, préférant la surconsommation, éventuellement alimentée par le recours aux énergies renouvelables. Or l’énergie la plus propre reste celle que l’on ne consomme pas. En adoptant les meilleures techniques disponibles et en évitant les comportements énergivores, nous pourrions diviser par 4 notre consommation en une vingtaine d’années.

Je suis en colère parce que les discours économiques nous polluent : on nous dit qu’arrêter un réacteur nucléaire, ce serait de l’argent gaspillé. mais les 1000 milliards d’euros déjà dépensés en 25 ans pour la gestion de la catastrophe de Tchernobyl (et c’est loin d’être terminé), ce n’est pas un gaspillage encore plus grand ? Mille milliards d’euros, c’est sensiblement le coût qu’il a fallu dépenser pour construire l’ensemble des 441 réacteurs actuellement en fonctionnement.

Je suis en colère parce que je sais que l’on peut arrêter relativement rapidement le programme nucléaire français, qu’il existe de multiples scénarios de sortie sur le sujet (de 2 à 30 ans selon les efforts qu’on veut bien consentir).

Je suis en colère quand j’entends mon gendre, 25 ans, ingénieur dans le photovoltaïque, me dire qu’il cherche un nouveau travail car la profession est sinistrée suite aux récentes décisions du gouvernement.

Je suis en colère quand mon fils, 20 ans, me dit : « à quoi ça sert de faire des études si dans cinq ans on a tous un cancer » (et il ne pense pas qu’au nucléaire, mais aussi à la pollution atmosphérique, aux pesticides.).

Alors j’agis, je me suis investi depuis une trentaine d’années dans les médias écologistes pour faire circuler une information moins déloyale et j’incite les journalistes et les lecteurs à prendre le temps d’eux aussi chercher où est la vérité. Comment peut-on encore minorer l’importance de la pollution radioactive au Japon alors que les images sur internet nous montrent les réacteurs en flammes ?

Alors j’agis et je m’engage dans l’une des 875 associations ( dont les Amis de la Terre ) qui animent le réseau Sortir du nucléaire pour demander à nos élus de faire pression pour un changement de politique dans le domaine de l’énergie.

Alors j’agis au niveau local en rejoignant les nombreux groupes locaux qui travaillent à des plans de descente énergétique qui nous permettront de diminuer la menace nucléaire, mais aussi notre dépendance à un pétrole qui va être de plus en plus rare.

Alors j’agis car aujourd’hui si le lobby nucléaire arrive à manipuler élus et médias, c’est parce que nous ne nous indignons pas assez !

Et pour les girondins (ou Aquitains…) il y a le pique nique ( le pique nuke ! ) à Braud et Saint Louis,  Lundi 25,  à MIDI
http://fr.mappy.com/plan/33/braud-et-saint-louis#d= 33820 Braud-et-Saint-Louis&p=map

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Voici une pétition POUR un référendum pour sortir du nucléaire à SIGNER et DIFFUSER massivement : http://www.referendum-nucleaire.fr

« Le Japon, après l’Ukraine et les Etats-Unis, subit au plus profond de sa chair la folie nucléaire. Pour ne pas avoir cru, su ou voulu penser  l’impensable, notre humanité est une fois encore confrontée à une  catastrophe nucléaire.

Malgré ce constat sans appel, les responsables politiques français affirment doctement que l’option nucléaire ne peut être soumise à débat public ni validation démocratique au travers d’un référendum.

Alors que la plupart des pays européens réinterrogent dans  l’urgence la pertinence de leur stratégie nucléaire, la France reste droit dans ses bottes. Tout juste le chef de l’Etat consent-il à envisager, à long terme, un débat entre experts, au niveau européen.

Le peuple est une nouvelle fois écarté des grandes décisions qui le concernent. Nous n’acceptons plus la mainmise de l’oligarchie éco-prédatrice. Nous n’acceptons plus une technologie nucléaire dangereuse et anti-démocratique.

Nous réclamons un référendum pour sortir du nucléaire – SIGNEZ LA PETITION : http://www.referendum-nucleaire.fr

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et un article de POLITIS

De Tchernobyl à Fukushima, un avenir irradié

jeudi 21 avril 2011, par Patrick Piro

Un million de morts : tel est le terrible bilan de la catastrophe de Tchernobyl selon les études indépendantes. À Fukushima comme à Tchernobyl, les autorités continuent de dissimuler la vérité. En France, les malades de la thyroïde se mobilisent pour connaître enfin les conséquences du nuage.

Vingt-cinq ans, l’espace d’une génération. Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl explose. 1989, chute du Mur : le monde occidental empressé exile l’image de la monstrueuse catastrophe dans les oubliettes de l’histoire, avec les autres reliques du régime. Un méchant accident industriel appartenant à d’autres ? Une vue de l’esprit. Le 26 avril 2011, la plaie n’est toujours pas suturée. Au propre : le sarcophage de béton, bâti pour confiner la bête atomique, fuit, martyrisé par les radiations qui condamnent le site pour des siècles. La gangue de remplacement coûtera 1,5 milliard d’euros (avant les dérapages budgétaires…). Les difficultés techniques la condamnent par avance à ne pas durer plus de cent ans.
Autour, la rémission n’est pas non plus pour demain. Des milliers de kilomètres carrés de sols sont toujours contaminés, pour des décennies. Près de 8 millions de Biélorusses, d’Ukrainiens et de Russes, revenus ou jamais partis, acceptent ou occultent les risques d’une exposition quotidienne au césium 137 incrusté dans des sols impossibles à décontaminer : il faut bien vivre, de préférence chez soi. Comme ces malades du sida pris par le relapse, certains « Tchernobyliens » baissent la garde, moins attentifs à leur consommation de pommes de terre ou de champignons radioactifs. Ce sont les enfants d’alors, et nés depuis, qui payent le tribut le plus élevé. Vingt-cinq ans plus tard, une génération « cancer de la thyroïde » de 5 000 jeunes se débat avec une obscène épidémie léguée par Tchernobyl.
Le 11 mars 2036, dans un quart de siècle, quel sera l’héritage de Fukushima, qui vient de rejoindre la centrale soviétique au niveau 7, maximum, sur l’échelle de gravité des accidents nucléaires ? Comme un gros ou un petit Tchernobyl ? L’étalonnage entre les deux catastrophes vedettes est en vogue, promu notamment par les autorités nucléaires. Une contrition ? Plutôt une tentative anxieuse pour circonscrire le désastre japonais, immense inconnue encore par son ampleur, dans un cadre de référence. Fût-il aussi sordide que Tchernobyl.
À voir -> Le diaporama photo (en accès libre) du reportage écrit de Claude-Marie Vadrot, La vie en zone radioactive.

 


«Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots» (Jean Jaurès)
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