Pourquoi a-t-on annulé la conférence de Hessel ? à l’ENS : sur demande du CRIF ?

Expéditeur original:    Didier PY
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Pourquoi a-t-on annulé la conférence de Hessel?

PAR UN GROUPE DE PROFESSEURS DE L’ECOLE NORMALE SUPÉRIEURE

Stéphane Hessel le 10 mars 2010 à Paris. (© AFP Thomas Coex)

Le 8 janvier, le site Mediapart annonçait une conférence-débat de Stéphane Hessel, aujourd’hui, à l’ENS, autour de l’appel remis au ministre de la Justice, Michel Mercier, défendant la légalité du boycott des produits israéliens. Le 13 janvier, Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) saluait la décision de Monique Canto-Sperber, directrice de l’ENS, d’annuler la conférence (texte mis en ligne sur crif.org). A l’appel d’un collectif de normaliens, un rassemblement «contre la censure et pour la défense de la liberté d’expression» est prévu ce soir à 18 h 30, place du Panthéon.

Nous apprenons avec stupeur et indignation par un communiqué du Conseil représentatif des institutions juives de France que la rencontre prévue le 18 janvier à l’Ecole normale supérieure avec Stéphane Hessel a été annulée à la demande du Crif. Un homme qui a dédié toute sa vie au combat pour la liberté se voit ainsi interdit de parole pour avoir rappelé les droits du peuple palestinien.

Cette intervention n’est pas un fait isolé. Il y a longtemps déjà que le Crif et des personnalités qui lui sont liées exercent la calomnie et l’intimidation à l’égard des militants, artistes ou universitaires juifs et israéliens coupables de s’opposer aux violations du droit international perpétrées par l’Etat israélien. Ils ont notamment réussi à faire partir de France un cinéaste israélien dont les films ne leur plaisaient pas. Aujourd’hui cette institution affirme sans ambages son droit de décider qui a, en France, le droit ou non de parler d’Israël et de la Palestine. Elle n’a pas sans intention choisi de le faire en un lieu symboliquement associé à l’idée de la libre recherche. Si la directrice de l’Ecole normale supérieure a accepté son diktat, elle a déshonoré sa fonction. Il en va de même pour la ministre de l’Enseignement supérieur s’il est avéré qu’elle est personnellement intervenue pour faire annuler la rencontre prévue.

Ces faits sont inadmissibles. Le droit de critiquer les actes du gouvernement israélien comme de tout autre gouvernement doit être respecté sur notre territoire. Aucune institution n’a le droit de nous prescrire, en fonction des intérêts particuliers qu’elle représente, ce que nous devons dire, écrire, voir et entendre.

Signataires : Alain Badiou (ENS 1956, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure), Etienne Balibar (ENS 1960, professeur émérite à l’université de Paris-ouest), Ivar Ekeland (ENS 1963, professeur à l’University of British Columbia, Vancouver), Jean-Marc Lévy-Leblond (ENS 1958, professeur émérite à l’université de Nice), Marie-José Mondzain (ENS 1962, directrice de recherches au CNRS), Jacques Rancière (ENS 1960, professeur émérite à l’université Paris-VIII) et Emmanuel Terray (ENS 1956, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales).

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